L’entrepreneuriat féminin, nouvelle voie de reconversion
Se reconvertir dans l’entrepreneuriat ? De plus en plus de femmes l’osent. Elles bénéficient d’ailleurs de programmes dédiés, à l’image de She’s Mercedes, créé par la branche française de la firme automobile allemande. Si ces porteuses de projet misent souvent sur leurs compétences en tant que salariées pour créer leur entreprise, l’appui d’un réseau reste clé.
L’entrepreneuriat féminin progresse. En France, près d’un tiers des entreprises créées en 2021 l’ont été par une femme (soit 32,3 %), selon les données d’Infogreffe. Parmi ces nouvelles dirigeantes, beaucoup sont d’anciennes cadres reconverties en porteuses de projet puis en chefs d’entreprise. Et c’est pour leur donner un coup de pouce que Mercedes les valorise, à travers un programme d’accompagnement dédié : She’s Mercedes.
Mardi 31 mai 2022, la firme automobile a présenté la deuxième promotion de ce programme, où 7 lauréates seront épaulées par 5 mentors qui font figure de rôles modèles dans le monde de l’entrepreneuriat féminin : Carole Juge-Llewyn, créatrice de Joone, Agathe Wautier cofondatrice du Galion Projet, Isabelle Rabier, fondatrice de Jolimoi et Cathy Closier à l’origine des restaurants Season. Le parcours de cette dernière est emblématique : après un début de carrière dans la mode, elle choisit finalement de se lancer dans l’entrepreneuriat, et plus précisément dans la restauration. « Tout au long de mon parcours, j’ai écouté mon intuition, ce que je ressens, malgré les difficultés. Quatre banques sur cinq ont refusé de me financer parce que je suis une femme… », partage-t-elle en conférence de presse, lors de la présentation de cette nouvelle promotion.
Etre en accord avec ses valeurs
La question du financement revient souvent dans les freins cités, parmi ceux qui empêchent les femmes de devenir entrepreneures. Cependant, celles qui choisissent de s’y reconvertir font preuve d’ « audace », le maitre-mot de cette édition 2022 défendu par Clémence Madet et Angélique Touguet, les créatrices du programme She’s Mercedes. De l’audace, il en a fallu justement à Mathilde Scheuer, cofondatrice du Laboratoire Hollis. Pharmacienne de formation, elle a travaillé pendant 9 ans dans une pharmacie avant de rejoindre l’industrie. Elle devient alors directrice médico-marketing, au sein d’un groupe international. En 2020, elle choisit de lancer son propre laboratoire, qui s’axe autour d’une approche santé holistique à destination des femmes. « Le confinement a été un déclencheur : cette période m’a fait prendre conscience que j’avais besoin de nouvelles valeurs et d’en finir avec une approche exclusivement ‘business’, se souvient-elle. Aussi, lorsqu’un ancien collègue m’a contactée pour me proposer de m’associer à lui, j’ai sauté le pas. »
Pour créer Hollis, Mathilde Sheuer s’appuye sur ce qu’elle a acquis tout au long de sa vie professionnelle : création des formules, commercialisation, échanges avec les professionnels de santé, formation, etc. « Mon passé de salariée m’a permis d’avoir toutes les compétences clés pour l’opérationnel au quotidien dans l’entreprise », assure l’entrepreneure, dont les produits sont désormais présents dans plus de 150 pharmacies et qui emploiera 5 salariés à la rentrée.
Mesurer le risque
Miser sur une certaine expertise, c’est également le pari de Kenza Keller, fondatrice de Talm, cosmétiques pour futures et jeunes mamans. Ancienne cadre chez LVMH notamment, elle possède une expérience de plus de 10 ans dans l’industrie de la beauté. Pour autant, elle n’hésite pas à qualifier son projet entrepreneurial comme une « anomalie de parcours ». « J’étais lancée pour occuper des fonctions de management au sein de grands groupes. Mais au moment de ma grossesse, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver des produits rassurants et adaptés. J’ai donc commencé à réfléchir à une telle gamme », précise-t-elle.
Son idée a germé petit à petit, loin de l’image habituelle du grand saut dans le vide souvent associée à l’entrepreneuriat. « Je n’avais pas l’envie de quitter un poste que j’adorais, avec des équipes que j’appréciais. Je l’ai donc construit en ‘side project’. Mes premiers fournisseurs, je les rencontrais sur mes jours de RTT ! J’ai ainsi sécurisé mon projet. » Prendre son temps lui a aussi permis de tester son envie, son appétence à devenir entrepreneure. Le risque devient mesuré. Même si Kenza convient qu’elle a dû faire face à une difficulté inattendue une fois entrepreneure : la solitude. « Ce qui est difficile quand on vient d’un milieu corporate, c’est, tout à coup, d’être seule à bord. J’ai toujours évolué en meute et j’adorais la convivialité du bureau et du travail en équipe, partage-t-elle. Très vite, j’ai donc voulu m’entourer. » Le besoin de Kenza Keller et de ses homologues ? Rejoindre un incubateur ou un réseau pour se nourrir de conseils qui alimenteront leur projet. Soit ce que propose le programme She’s Mercedes qui espère pouvoir organiser, en 2023, une nouvelle tournée de sélection pour composer sa troisième promotion.
Article de Céline Tridon